Le Comité social et économique est l’unique instance de représentation des salariés dans l’entreprise.
Il est notamment composé de membres élus parmi les salariés, dont l’objectif principal est de garantir le respect des droits du personnel.
Pour remplir leur mission, ils disposent d’un temps spécifique que l’on appelle les heures de délégation.
Mais comment fonctionnent-elles précisément ? Qui peut y prétendre et comment les calculer ? Et surtout, dans quelles situations est-il possible de les utiliser ? L’employeur peut-il les contester ?
Dans ce guide complet, nous répondons à toutes vos interrogations sur le fonctionnement des heures de délégation du CSE.
Heures de délégation du CSE : de quoi parle-t-on ?
Les heures de délégation, ou crédit d’heures de délégation, sont un temps spécifique pendant lequel les élus du CSE peuvent se consacrer pleinement à l’exercice de leur mandat.
Durant ces heures, ils ont la possibilité de circuler librement dans l’entreprise afin de remplir leurs missions : rencontrer les salariés, mener leurs enquêtes, analyser les risques, etc.
Il est important de préciser d’emblée que les heures de délégation sont des heures de travail. L’article L.2315-10 du code du travail précise bien qu’elles sont payées comme tel, à l’échéance normale. L’utilisation de ces heures ne peut donc, en aucun cas, provoquer une perte de salaire.
Qui peut prétendre aux heures de délégation du CSE ?
Attention, tous les membres du CSE ne peuvent pas prétendre aux heures de délégation.
Selon l’article L2315-7 du code du travail, les heures de délégation concernent seulement :
- les membres élus titulaires ;
- et dans certains cas, les représentants syndicaux au CSE et au CSE central.
Les membres élus titulaires disposent d’un crédit d’heures, peu importe la taille de l’entreprise.
En revanche, les représentants syndicaux au CSE et au CSE en bénéficient seulement dans les entreprises de plus de 500 salariés.
💡Rappel : le représentant syndical est un membre du CSE dont la présence est obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés. Il est choisi parmi les salariés de l’entreprise. En revanche, son rôle est purement consultatif : il participe aux débats et donne son avis, mais ne peut pas voter.
Le délégué syndical peut bénéficier d’heures de délégation syndicale dans les entreprises de plus de 50 salariés.
Les membres élus suppléants du CSE n’ont pas d’heures de délégation individuelles, sauf si un accord le prévoit. Ils peuvent toutefois en bénéficier dans deux conditions :
- s’ils remplacent un membre titulaire ;
- si un membre titulaire leur partage des heures de délégation.
Dans ce dernier cas, on parle de mutualisation des heures de délégation. Nous revenons en détail sur cette notion et son fonctionnement dans le prochain paragraphe.
Les représentants de proximité (RP) n’ont pas d’heures de délégation. Généralement présents dans les grandes entreprises avec plusieurs établissements, ils jouent le rôle d’intermédiaire entre le CSE et les salariés et accompagnent les élus dans leurs missions. Leur présence est seulement facultative.
Quelles sont les modalités de fonctionnement des heures de délégation du CSE ?
En principe, les heures de délégation du CSE sont mensuelles. Elles sont distribuées à chaque élu titulaire tous les mois. Le crédit d’heures varie en fonction de l’effectif de l’entreprise.
Toutefois, leur gestion par les membres du CSE est relativement libre. En effet, ils ont la possibilité de les reporter, de les mutualiser, et voire même dans certains cas, de les dépasser.
Voyons tout cela en détail.
Le report des heures de délégation du CSE
Comme nous venons de l’évoquer, les heures de délégation sont attribuées tous les mois aux élus du CSE. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles doivent obligatoirement toutes être utilisées au cours du mois.
L’article R. 2315-5 du Code du travail précise que les heures de délégation non utilisées peuvent tout à fait être reportées sur les mois suivants, dans la limite d’une année. On parle aussi d’annualisation des heures de délégation.
Le report des heures est aussi possible pour les représentants syndicaux, lorsqu’ils en bénéficient, dans les entreprises de plus de 500 salariés.
Il existe toutefois des limites : cette possibilité de report ne peut pas conduire un élu du CSE à avoir, dans le mois, plus d’une fois et demie le crédit d’heures de délégation dont il bénéficie habituellement.
Autre limite : il est obligatoire d’informer l’employeur du report des heures de délégation, au plus tard 8 jours avant la date prévue de leur utilisation.
La mutualisation des heures de délégation du CSE
Le crédit d’heures est attribué à chacun des membres élus du CSE.
Ces derniers peuvent ensuite décider de les partager, soit :
- entre membres élus titulaires ;
- entre membres élus titulaires et suppléants, si cela est prévu par un accord ou en cas de remplacement par exemple.
On parle aussi de mutualisation des heures de délégation.
Il existe toutefois une limite, similaire à celle imposée dans le cadre du report du crédit d’heures. Aucun des membres bénéficiaires – titulaires ou suppléants – ne doit être doté de plus d’une fois et demie le nombre d’heures de délégation dont il dispose habituellement. Cette règle est précisée par l’article R2315-6 du code du travail.
Mais qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
Prenons un exemple pour bien comprendre.
Imaginons une entreprise avec un CSE composée de 5 membres élus titulaires. Les élus CSE disposent chacun 20 heures de délégation par mois. Néanmoins, comme nous l’avons vu, ils peuvent se les partager. En revanche, aucun des membres ne peut avoir plus d’une fois et demie le nombre d’heures destinées à un seul membre titulaire.
Dans ce cas précis, le partage ne pourra pas conduire un élu à bénéficier de plus de 30 heures de délégation. (20 heures x 1,5 = 30 ).
La possibilité de mutualiser les heures de délégation est très utile, car elle offre plus de souplesse aux élus du CSE. Néanmoins, ils doivent obligatoirement informer l’employeur de la répartition des heures au plus tard huit jours avant la date prévue pour leur utilisation.
Pour cela, il convient de lui communiquer un document écrit en précisant l’identité des élus et le nombre d’heures mutualisées pour chacun d’entre eux.
Le dépassement des heures de délégation
Vous êtes élu du CSE et vous pensez que votre crédit d’heures mensuel ne sera pas suffisant pour accomplir vos missions ce mois-ci ?
Pas d’inquiétude, vous avez l’autorisation – en cas de circonstances exceptionnelles avérées – de dépasser vos heures de délégation.
Ce dépassement est prévu par l’article R. 2314-1 du code du travail.
La loi ne fixe pas de limite à ce dépassement. Bien entendu, il doit rester raisonnable et proportionné aux circonstances. C’est une évaluation au cas par cas.
Mais attention, les heures de dépassement ne bénéficient pas d’une présomption de bonne utilisation, contrairement aux heures habituelles. C’est aux élus du CSE de fournir la preuve de l’existence d’un événement exceptionnel.
Toutefois, la notion de “circonstance exceptionnelle” reste une notion juridique un peu floue. C’est la jurisprudence qui l’a définie comme étant un événement important et inhabituel.
Pour vous aider à y voir plus clair, voici quelques exemples applicables dans le cadre de la vie d’une entreprise :
- le suivi d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ;
- la mise en place du chômage partiel ;
- un projet de délocalisation de l’entreprise ;
- un projet de restructuration de l’entreprise ;
- un projet de licenciement collectif ;
- et de manière générale, la pandémie liée au coronavirus et toutes les dispositions prises en réponse à la crise sanitaire.
Encore une fois, l’employeur doit être informé en amont du dépassement du crédit d’heures de délégation, et les membres élus du CSE doivent justifier leur démarche.
🔔 Important : sans justification, l’employeur est en droit d’opérer une retenue sur salaire. Bien entendu, cette retenue ne peut pas excéder le montant qui correspond aux heures prises au-delà des heures de délégation habituelles. En cas de dépassement abusif, c’est-à-dire répétitif et injustifié, l’employeur peut décider de prendre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
Comment calculer le nombre d’heures de délégation du CSE ?
Les heures de délégation sont fixées par le protocole d’accord préélectoral (PAP). S’il n’y a pas de précisions à ce sujet dans le PAP, ce sont les dispositions prévues par le code du travail qui s’appliquent.
En général, le PAP prévoit une augmentation par rapport à ce qui est prévu par la loi. Dans tous les cas, l’article L2315-7 du code du travail précise bien que le nombre d’heures ne peut en aucun cas pas être inférieur à :
- 10 heures par mois dans les entreprises de moins de 50 salariés ;
- 16 heures par mois dans les autres entreprises.
Le code du travail précise le nombre mensuel d’heures de délégation attribué pour les élus du CSE.
Ce nombre varie en fonction de l’effectif de l’entreprise et du nombre de membres titulaires.
En voici le détail.
Effectif de l’entreprise (nombre de salariés) | Nombre d’élus titulaires | Nombre mensuel d’heures de délégation | Total d’heures de délégation |
11 à 24 | 1 | 10 | 10 |
25 à 49 | 2 | 10 | 20 |
50 à 74 | 4 | 18 | 72 |
75 à 99 | 5 | 19 | 95 |
100 à 124 | 6 | 21 | 126 |
125 à 149 | 7 | 21 | 147 |
150 à 174 | 8 | 21 | 168 |
175 à 199 | 9 | 21 | 189 |
200 à 249 | 10 | 22 | 220 |
250 à 399 | 11 | 22 | 242 |
400 à 499 | 12 | 22 | 264 |
500 à 599 | 13 | 24 | 312 |
600 à 799 | 14 | 24 | 336 |
800 à 899 | 15 | 24 | 360 |
900 à 999 | 16 | 24 | 384 |
Votre entreprise a plus de 999 salariés ? Consultez l’article R2314-1 du code du travail pour accéder au tableau exhaustif du nombre mensuel d’heures de délégation fixé par la loi.
Dans les entreprises de plus de 500 salariés, les représentants syndicaux disposent également d’heures de délégation. Elles s’élèvent à 20 heures tous les mois.
Quand et comment les heures de délégation peuvent-elles être utilisées ?
Quand utiliser les heures de délégation ?
Pendant et en dehors des heures de travail
L’usage des heures de délégation du CSE est relativement libre. Elles peuvent être utilisées à l’occasion des heures de travail, mais aussi en dehors du temps travaillé, notamment lorsque cela est nécessaire. Par exemple, un travailleur avec des horaires de nuit peut très bien utiliser ses heures de délégation la journée pour rencontrer le personnel.
En télétravail
Il est bien sûr possible d’utiliser les heures de délégation en télétravail. Le volume d’heures mensuel reste le même que pour le travail en présentiel.
Pendant les congés
Les élus du CSE peuvent décider de profiter de leurs heures de délégation pendant leurs congés. En revanche, elles ne seront pas payées (sauf si un accord spécifique d’entreprise le prévoit), car le cumul de rémunération est interdit.
Pendant un arrêt maladie ou un congé parental
Ils peuvent aussi en faire usage lors d’un arrêt maladie ou pendant un congé maternité / paternité. Néanmoins, si l’élu n’est pas en capacité de travailler, il n’est logiquement pas en capacité d’exercer son mandat. Cette situation est donc exceptionnelle et nécessite un accord écrit du médecin traitant attestant que le salarié est capable d’utiliser ses heures de délégation.
Dans quelles circonstances utiliser les heures de délégation du CSE ?
Comme nous l’avons vu, les élus disposent d’une grande liberté dans l’utilisation de leurs heures de délégation. Pendant ce temps spécifique, ils peuvent circuler librement dans les locaux de l’entreprise afin de mener à bien leur mandat.
Bien entendu, les heures de délégation doivent exclusivement être utilisées pour l’exercice de leurs fonctions représentatives. Autrement dit, elles doivent être en lien direct avec les missions du CSE. En toute logique, il est donc strictement interdit de s’adonner à des activités personnelles durant son crédit d’heures.
💡 Bon à savoir : les heures de délégation du CSE disposent de ce que l’on appelle une présomption de bonne utilisation. Autrement dit, l’élu n’a pas à justifier ce qu’il fait pendant ces heures. En cas de litige, c’est à l’employeur d’apporter la preuve d’une utilisation non justifiée.
Voici quelques exemples de situations dans lesquelles les heures de délégation peuvent être utilisées :
- tenir des permanences ;
- collecter les réclamations des salariés ;
- rencontrer l’inspection du travail ;
- étudier les différents projets soumis à consultation du CSE ;
- organiser et gérer les activités sociales et culturelles ;
- se former aux différents domaines de compétence du CSE afin de gagner en expertise (comme par exemple l’égalité entre les femmes et les hommes, l’épargne salariale, les réformes du travail, la prévention des risques psychosociaux) ;
- mener des inspections et des enquêtes en matière de santé, sécurité et conditions de travail ;
- visiter un salon CSE.
💡 Bon à savoir : certaines actions liées au mandat d’élu peuvent être très rapides (par exemple : l’envoi d’un email, un appel téléphonique…). Dans ce cas, l’élu peut tout à fait fractionner ses heures de délégation et ne prendre que 45 min, si nécessaire.
Quels sont les événements qui ne sont pas déduits des heures de délégation du CSE ?
En revanche, il existe d’autres événements, pourtant en lien avec le fonctionnement du CSE, qui ne sont pas déduits des heures de délégation.
Les réunions du CSE
Dans le cadre de l’exercice de leur mandat, les élus du CSE doivent se rencontrer régulièrement une fois par mois ou une fois tous les deux mois en fonction de l’effectif de l’entreprise. Or, ces réunions ne sont pas déduites des heures de délégation.
Il existe toutefois une limite : si le nombre d’heures de réunion dépasse un certain plafond (30 heures par élu dans les entreprises de 300 à 1000 salariés), celles-ci seront déduites du crédit d’heures.
Les réunions préparatoires ne sont pas concernées, elles sont déduites du crédit d’heures.
L’alerte pour danger grave et imminent.
Dans le cadre de leur fonction, les élus du CSE peuvent être amenés à utiliser leur droit d’alerte pour danger grave et imminent.
Pour cela, il convient de résumer la situation par écrit sur le registre des dangers graves et imminents en veillant à préciser la nature du danger, son origine et les salariés exposés.
Dans ce contexte, les membres du CSE vont devoir consacrer plus de temps à l’exercice leurs missions : conduire une enquête pour interroger le personnel et constater la réalité du danger, informer l’employeur, organiser une réunion d’urgence… Toutes ces actions seront déduites des heures de délégation.
Quels sont les droits et les obligations de l’employeur concernant les heures de délégation du CSE ?
L’information de l’employeur quant à l’utilisation des heures de délégation
Les membres élus du CSE n’ont pas besoin d’obtenir une autorisation de l’employeur pour utiliser leurs heures de délégation.
Un employeur qui exigerait une telle autorisation commettait un délit d’entrave. Ce délit est d’ailleurs fermement sanctionné avec des conséquences pénales pouvant aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 7 500 € d’amende.
En revanche, les élus du CSE doivent informer l’entreprise avant d’utiliser leurs heures de délégation.
Il n’y a pas de délai de prévenance minimum imposé par la loi. Mais il convient de respecter un délai raisonnable, lorsque cela est possible, de manière à ce que l’activité de l’entreprise ne soit pas perturbée par l’absence des élus.
En général, les modalités et le délai de prévenance sont fixés de manière concertée par l’employeur et les élus du CSE.
Dans de nombreux CSE, les élus vont par exemple utiliser un bon de délégation. Il s’agit d’un document écrit dans lequel les membres vont indiquer les heures qu’ils ont utilisées pour exercer leur mandat.
💡 Bon à savoir : l’utilisation du bon de délégation ne peut pas être imposée par l’employeur : elle doit faire l’objet d’un accord entre toutes les parties, mais il s’agit d’une bonne manière de faciliter le suivi administratif et d’avoir une bonne visibilité sur les heures restantes.
🔔 Important : les élus doivent informer l’employeur de l’utilisation de leur crédit d’heures, mais en aucun cas, ils ne sont tenus de préciser comment ils les utilisent.
La contestation des heures de délégation par l’employeur
Vous êtes employeur et vous avez un doute quant à l’utilisation des heures de délégation par les élus du CSE ? Vous avez le sentiment qu’elles ne sont pas toujours utilisées dans le cadre de leurs missions représentatives ?
Tout d’abord, il faut veiller à ne commettre aucun délit d’entrave. Ainsi, il n’est pas d’imposer à un élu de communiquer la raison pour laquelle il utilise son crédit d’heures.
En revanche, l’article L. 2315-10 du code du travail donne la possibilité à l’employeur de saisir le juge judiciaire pour contester l’usage des heures de délégation.
Il faut toutefois avoir en tête que le crédit d’heures bénéficie d’une présomption de bonne utilisation. Autrement dit, c’est à l’employeur de rapporter la preuve qu’il n’est pas correctement utilisé.
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Que vous soyez employeur, élu du CSE ou simple salarié, nous espérons que cet article vous a été utile et qu’il vous a donné toutes les clés pour comprendre l’utilisation et le fonctionnement des heures de délégation.